22/08/2009

30 ans plus tard - Arcadiane

Wake-up call



Tandis que démarre le jeu, Ovide ajuste l’inclinaison de son écran flambant neuf – le dernier bijou de sa marque préférée, un 66 pouces tactile qui fait aussi bureau, table lumineuse et orgue électronique (et inclue une machine à café qui sert d’excellents cappuccinos).


« ZipUp! veut initier une conversation par webcam », annonce une petite fenêtre sur le bureau.


Avec un ricanement intérieur, Ovide commande à l’ordinateur d’ignorer l’appel.


« ZipUp! [réponds abruti !!!] veut initier une conversation par webcam. »


Avec un vrai ricanement cette fois, Ovide stoppe le lancement du jeu, accepte l’appel et voit aussitôt apparaître son meilleur-ami-pour-la-vie. L’expression préoccupée de Ziprian lui creuse d’assez remarquables rides sur le front.


« Oh foutregod, Zip ! s’exclame Ovide. Mon nouvel écran te fait pas de cadeau, ha ha ha ha ha !

– …

– C’est dingue, toutes ces petites rides sous tes yeux ! Même IRL j’avais jamais fait gaffe – l’Hyper HD c’est réellement plus vrai que nature !

– T’as fini ?

– Il faut que tu voies ça, attends, je fais une capture et je t’envoie un gros plan, tu vas criser…

– OVIDE !

– … Oui ?

– Il faut que je te parle. »


Saisissant l’urgence dans le ton de son ami, Ovide se résigne à faire joujou avec son nouvel écran plus tard (et range la capture dans son dossier « ROFL »).


« Qu’est-ce qui se passe, bro ?

– On a cassé avec Lazarre…

– Oh, ça ! Old news, Lazarre l’a annoncé sur son Twitter il y a au moins vingt minutes. Tiens d’ailleurs je vais arrêter tout de suite de suivre ce boulet…

– Sympa, merci pour la compassion ! s’offusque Ziprian.

– Quoi ? Je te le dis depuis le début : tu mérites mieux qu’un type qui est un fan de Twilight de la première heure et ne sort avec toi que parce qu’il trouve que tu ressembles à un Cullen !

– Mais j’ai cinquante ans, Ovide ! gémit Ziprian en s’affaissant sur son bureau, éminemment tragique. Je vais mourir seul, ridé et sans descendance…

– OH ! s’exclame alors Ovide. Je t’ai pas dit ! Zip, mon beef, mon bro, je vais être papa !!! »


La réaction de Ziprian est assez éloignée de l’enthousiasme absolu.


« … Encore ?

– Comment ça "encore" ? C’est jamais que le cinquième…

– Franchement, dude ! À ton âge !

– Quoi, à mon âge ?!

– À ton âge il serait peut-être temps d’avoir de VRAIS enfants, non ? »


Ovide affiche un air profondément choqué.


« Les bébés des Sims 9 sont MIEUX que de vrais enfants ! Ils font tout pareil sauf que leur merde ne pue pas !

– Et ils évitent un épisode gore à Églantine, je sais, je sais. Tu m’as traumatisé à vie avec ces vidéos d’accouchements… Je ne comprends pas comment vous tenez ensemble, vous deux, il n’y en a pas un pour ramener l’autre à la réalité.

– C’est l’amour-le-vrai, bro. »


L’air maussade de Ziprian s’accentue. Il regarde de côté, hésitant. Ovide soupire.


« De quoi est-ce que tu veux me parler, vraiment ? »


Ziprian triture nerveusement un coin de son clavier en tissus de brocard pervenche.


« De Neil… »


Ovide hausse un sourcil perplexe.


« Qui ?

– Enfin dude, tu te souviens bien de Neil ! Écossais, bossait à Starbucks ?

– …

Avec la fleur !

– Oooh ! Le petit minet couleur citrouille qui m’a fait gagner ma robe de Seigneur de Guerre il y a super longtemps ! »


La bouche de Ziprian se tord dans une expression blasée.


« Ta mémoire sélective de sale geek est sérieusement vexante, tu sais. Neil, c’était quand même l’amour de ma vie. »


Ovide éclate de rire.


« Vous êtes sortis ensemble, quoi, une semaine ? Et puis il est rentré chez lui et tu l’as jamais revu !

– Je suis sérieux, dude ! J’ai jamais eu avec un autre ce que j’avais avec Neil !

– Ha, je savais que cette fleur devait être un truc érotique chelou…!

– Que…?! »


Les narines de Ziprian palpitent dangereusement.


« Je te parle d’amour, Ovide ! Ne salis pas tout !

– Oui, bon, pardon… Mais sans vouloir te vexer, je crois que tu idéalises un peu une relation qui n’a simplement pas eu de fin naturelle. De toute façon, ça fait bien trente ans que tu l’as pas vu, tu vas pas partir le chercher en Écosse maintenant ! »


Ziprian produit un silence éloquent.


« Non, murmure Ovide, incrédule.

– J’ai déjà acheté mes billets.

NON ! »


Consterné, Ovide reste quelques secondes bouche bée, puis marmonne :


« Attention, ça va couper… »


Et il ferme la conversation.


« ZipUp! [VACHEMENT DRÔLE OVIDE] veut initier une conversation par webcam. »


« Je t’annonce un bouleversement majeur de ma vie et tu me raccroches au nez ?!

– Tu vas vraiment aller chercher Neil en Écosse.

– C’est ce que j’aurais dû faire il y a trente ans !

– Et c’est moi qui n’ai pas le sens des réalités ! soupire Ovide. Tu crois vraiment qu’il va être toujours célibataire ? Toujours mignon ? Toujours celui que t’aimais à vingt ans ? »


Contrarié, Ziprian fait une moue.


« Tu m’emmerdes, Ovide. Pourquoi est-ce que tu fais tout pour me pourrir mon groove ? »


Ovide répond sans une once de moquerie.


« Parce que j’aime pas te voir le cœur brisé, bro. »


Ressentant soudainement la nécessité de refouler une vilaine émotion qui pique le fond des yeux, Ziprian s’abîme dans la contemplation de son poster du vingt-deuxième Doctor durant une minute silencieuse. Puis il dit d’une voix serrée :


« Je te laisse t’occuper de tes cinq morveux. Embrasse Églantine pour moi.

– Tu m’as même pas demandé le nom de mon nouveau-né…

– Oh, pardon. Comment s’appelle la merveille ?

– Doctor.

– Tu déconnes ?!

– Bien sûr que je déconne, pour qui tu me prends !

– Oh…

– C’est une fille. Elle s’appelle Rose. »


Cette annonce décroche un semblant de vrai sourire à Ziprian, juste avant qu’il ne ferme la conversation.



Trois mois plus tard, dans une célèbre chaîne de cafés, Glasgow.


Installé dans un coin, Ovide sirote son café en changeant la couche de Rose sur son super-ultra-portable-téléphone-console-brosse à dents, tandis qu’Églantine, penchée sur la table encombrée de muffins, tire les cartes du tarot celte des arbres pour en comparer le résultat à celui du tarot de Marseille.


« Rose a sa jauge d’humeur en chute libre, signale Ovide en brandissant l’ordinateur. Chante-lui vite un truc avant qu’elle se remette à pleurer ! »


Églantine a un sourire amusé sans cesser de tirer ses cartes.


« Je suis certaine qu’elle aimerait aussi que tu lui chantes quelque chose.

– Euh, oui, mais non. Ça fait presque une heure qu’il ne pleut pas, là, on pourra certainement battre un record si je ne l’ouvre pas. »


Soudain, un courant d’air traverse le café et voilà que retentit un grand « Duuuuuuuuuude ! » qui fait pleurer Rose pour de bon. L’ouragan en costard qui traverse la pièce dans leur direction projette autour de lui des petits éclats scintillants de bonheur niais partout sur son passage. Dans son sillon, un rouquin barbu avance tranquillement, un petit sourire réjoui aux lèvres, le regard pétillant derrière ses lunettes. Malgré la fleur qui se balance joyeusement sur le crâne du nouvel arrivant, Ovide a un instant d’hésitation en voyant.


« Dumbledore…? »


Avant qu’il ne puisse pointer Ziprian du doigt en l’appelant Grindelwald, Neil le prend dans ses bras dans une étreinte bourrue qui fait craquer sa colonne vertébrale.


« Ovide ! Toi n’a pas changè !

– Keurf, argh, euh, merci, s’étrangle Ovide en tentant de se dégager. Pas sûr de pouvoir en dire autant, mais…

– C’est le bawbe qui me fait wegarder difféwent ! »


Ovide hoche la tête sans avoir rien compris et se tourne vers son étincelant meilleur ami.


« … Okay, vas-y, tu vas exploser si tu le dis pas maintenant. »


Le sourire de Ziprian s’élargit (si possible) et il lance avec une suffisance insupportable :


« QUI est-ce qui avait raison ?! »


Beau seigneur, Ovide ne fait pas remarquer que le petit coup de poing que Ziprian vient de lui administrer sur l’épaule était d’une faiblesse de fillette, et baisse humblement la tête.


« Tu avais raison, Neil et toi étiez faits pour vous retrouver, blablabla, grand amour, blablabla. Content ? »

L’expression de Ziprian est une réponse en elle-même, et Églantine se permet donc de les interrompre.


« Il faudra prévoir des parapluies pour les invités, le jour de votre mariage.

– Mariage ?! s’étrangle Zip.

– Haha, rit Neil, il pleuvoir bowcoup ici c’est vwai ! »


Ovide secoue la tête gravement la tête.


« C’est pas une remarque sur le temps, vieux, c’est une prédiction. »


Neil et Zip baissent les yeux vers les cartes disposées sur la table, stupéfaits, puis échangent un regard.


« Les deux tarots sont formels, assure Églantine. Vous voulez connaître la date ? »



Au même moment, dans la réalité non-virtuelle.


Ziprian éteint les Sims 9 en soupirant, le cœur emplit d’une guimauve étrangement amère. Il se fait plus de mal que de bien…


Il se retourne lorsqu’un ronflement plus sonore que les autres lui rappelle la présence de Marius dans son lit. Il fronce le nez malgré lui. Il a beau essayer, il ne se fera jamais aux fesses poilues…



Trente secondes plus tard ou trente ans plus tôt, dans la réalité non-onirique.


« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!! »


Bixti ouvre la porte d’un coup de pied, une raquette de squash sur l’épaule et les cheveux hirsutes.


« Bordel Ziprian, qu’est-ce qui t’arrive ?! J’ai cru qu’on t’égorgeait !

– J’ai… J’ai fait le plus zorrible des cauchemars ! » pleurniche Ziprian en tendant les bras pour câlin.


Retenant de peu une grimace, Bixty lui tapote le dos à distance raisonnable et compatit comme elle peut.


« Encore un où tu te retrouvais fiancé à Marius ?

– Pire que ça ! »


Le récit du rêve conduit Bixti à hausser un sourcil.


« Les Sims 9 ? La vache t’as raison c’est pathétique.

– Il faut que j’aille chercher Neil en Écosse, c’est un signe !

– Ou un message de ton subconscient qui n’est pas vraiment surprenant… Tu sais que t’as pas de fric pour aller en Ecosse ?

– Je vendrai mon corps !

– Ah ouais et à qui, Marius ?

– … Je vendrai TON corps !

– Tu la vois cette raquette ?!

– Mais-euh Bixti tu fais jamais rien pour m’aider !

– Vends donc un de tes costards de marque…

– Ça va pas non ?! »


Le téléphone de Ziprian se met alors à vibrer sur la table de nuit. Il répond machinalement.


« Oui ?

– Allô Zipwian ?

– Neiiiiiiiiiiiiiiiiiiil !

– Haha, non, c’est moi, Ovide. Je le fais bien, hein ? »


Le téléphone va voler en éclats contre le mur.


« … Ou alors, t’aurais pu vendre ton téléphone.

– Ta gueule Bixti.

– Mais du coup au final, la fleur de Neil, c’est un truc érotique ou pas ?

– SORS DE MA CHAMBRE ! »



FIN (?)




Prompt : 30 ans plus tard (j’espère que t’avais deviné XD)












Arcadiane pour "30 ans plus tard"

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5 commentaires:

Senjak a dit…

Bien marrante cette fic. Pauvre Zip, quel cauchemar horrible.
Sympa à lire, même si j'ai tjr un peu de mal, personnellement, avec le "ce n'était qu'un rêve". Ceci dit, ta mise en abîme finale est plutôt réussie. :D

Sa-Chan a dit…

Et bien...

Chapeau!

Je n'ai jamais autant rit en lisant une fanfic x) Et là, j'avoue que j'ai été subjuguée! Autant par ta façon d'écrire (Totalement dans le genre de Cockroach!) que par l'humour pourave (Le mien l'est aussi, avec les jeux de mots vaseux, les répliques tripantes...Bref, j'adore *o*).

Et puis l'histoire \O/ Superbe tram, superbe façon de nous plonger dedans...Merchi de nous avoir donné l'occasion de la lire!

Pour le coup, je t'ai mis un 10 \O/ Autant dire que personne d'autre n'aura cette note! J'espère pouvoir te lire ailleurs qu'ici =3

Unknown a dit…

Senjak > Elle fut surtout marrante à écrire !
L'idée pour la fin n'était pas tellement de la jouer "ce n'était qu'une rêve" mais de multiplier les fausses conclusions pour un but purement humoristique... A prendre au douzième degré, donc :3

Sa-Chan > Merci pour ton enthousiasme XD. Je suis un peu tombée dans la facilité en faisant ce que je sais le mieux faire (des dialogues humoristiques) mais l'habitude de lire Cockroach en BD (donc en dialogues) m'y a poussée et ça s'y prêtait bien.
Quant à me lire ailleurs qu'ici, cf. fanfiction.net où je traîne depuis bientôt six ans :3

Anonyme a dit…

Bon j'arrive après la fin mais... trop bien XD J'aime particulièrement le délire sur le 22ème Docteur ! Et les enfants virtuels d'Ovide... (peut-être que les Sims 9 sera effectivement en temps réel...)

mokidou a dit…

Je veux la même drogue lorsque tu as écris ça xD C'est génial xDD AH AH AH XD Mais ce trip quoi !